Entretien avec Yoann Wezemael, directeur général AAA gaming, première équipe d’esport en France

Chapo

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Yoann Wezemael, je suis directeur général de la structure Triple A. C’est une équipe française qui est présente dans l’histoire depuis plus de 20 ans. Pour ma part, je l’ai rejoint en 2006 en tant que rédacteur bénévole et au fil des années, j’ai gravé les échelons. Désormais, ça va faire plus de 10 ans que je travaille dans l’esport.

Quel poste occupez-vous au sein de cette entreprise

Je suis directeur général et rédacteur en chef. Au quotidien, je suis très polyvalent. Je gère les recrutements, les relations commerciales.

Qu’est-ce que Triple A ?

Triple A a été créé en 2000. Au départ, c’est une équipe de joueur sur les jeux de l’époque, qui rapidement a gagné des titres français puis internationaux. Cette équipe s’est développée et a remporté depuis des dizaines de titres en Europe et à travers le monde. Parallèlement à ça, en 2004, un site internet a été créé et dont le rôle était de faire l’équivalent de ce que fait l’équipe dans le sport, c’est-à-dire toute l’actualité qui touche à l’esport, à savoir le suivi des tournois, les transferts des joueurs, les interviews, etc.

On a des joueurs de toute nationalité que ce soit sur console ou sur pc.

Combien de personnes composent cette équipe ?

Aujourd’hui, on a fait l’impasse sur les joueurs. On a mis un stop pour développer l’entité elle-même au niveau de la rédaction et du business, car on s’est aperçu qu’avec l’explosion de l’esport depuis 2/3ans, il y a les salaires des joueurs qui ont monté en flèche, mais les revenus n’ont pas encore suivi au niveau des retours sur investissement, des publicités, des sponsors, etc.

Pour l’instant, il y a beaucoup d’équipes qui financent le salaire de leurs joueurs par des levées de fonds. Donc nous, on a décidé dans un premier temps d’investir notre temps et notre argent dans le site et dans la partie commerciale. Et on est une dizaine de personnes.

Selon vous, qu’est-ce que l’esport ?

À mes yeux, l’esport comme je l’entends, ce sont vraiment des compétitions qui sont encadrées et où derrière il y a un réel enjeu. Ce n’est pas juste une partie en ligne, ça va être une compétition avec pourquoi pas des lots à gagner derrière. Sans oublier les médias qui diffusent tout cela. Pour moi l’esport compétitif, c’est ça.

Comment êtes-vous entré dans ce secteur-là ?

Depuis que je suis petit, j’adore les jeux vidéo. Au début des années 2000, avec l’arrivée d’Internet, j’ai découvert qu’on pouvait jouer en ligne à certains jeux. J’ai commencé, j’ai essayé et j’ai trouvé ça génial parce que j’adore la compétition, j’adore les jeux vidéo, donc ça s’est rejoint. J’ai commencé à y jouer et c’est là où j’ai découvert AAA, puis j’ai été recruté en tant que bénévole et depuis, je n’ai jamais arrêté.

Quelle est la différence entre un chargé de communication globale et un chargé de communication dans l’esport ?

Je pense que la vraie différence, elle vient de la cible plutôt que du chargé en lui-même. L’esport c’est un secteur qui est assez particulier, c’est très masculin, même s’il y a de plus en plus de femmes qui joue aux jeux vidéo, la part de femme s’intéressant à l’esport reste quand même très faible. Par contre, sur notre site internet, on a une très faible part de femmes. Ensuite, c’est un publique, assez jeune, nous aussi on le voit lorsque l’on va dans des événements.

Ensuite, je pense que le chargé de communication dans l’esport, il faut absolument qu’il maîtrise la scène et un maximum de jeux, qu’il connaisse les joueurs aussi bien de manière professionnelle que personnelle. Il faut aussi qu’il ait une grosse culture générale, ainsi que les tendances du moment, de sorte à ce que lorsqu’il communique, il puisse être à jour sur les tendances.

Comme vous le savez dans le sport, les joueurs ont le droit à des séances d’entraînement pour se performer dans leurs domaines. Est-ce le cas aussi pour l’esport ?

Bien évidemment, tout se travaille ! Maintenant, les gens professionnels ont des plannings de jeux d’entraînements. Ensuite, ils ont des brainstormings avec leurs coachs et leurs coéquipiers. Ils ont des préparateurs mentaux, il y a aussi des psychologues du sport qui les suivent parce que le rapport à la compétition est fort. Il y a des joueurs qui montent sur scène devant 15 000 personnes et cela n’est vraiment pas facile pour tout le monde. Ils ont donc désormais un planning d’entraînement, sans oublier qu’il y a aussi les sponsors derrière qui poussent pour donner une bonne image de leurs marques.

L’esport évolue de jours en jours. Comment voyez-vous cette discipline dans les années à venir ?

Je pense que l’esport sera de plus en plus cadré dans les années à venir, surtout, par les organisateurs des événements (qui mettent en place des championnats avec des divisions pour monter et descendre dans le jeu).

On va avoir pas mal de changements aussi sur deux choses :

  • Les pouvoirs publics
  • Les collectivités territoriales

Ces acteurs commencent à prendre cela très au sérieux.

Par exemple, l’équipe Triple A a été contactée par une organisation parisienne pour lancer des sessions esport dans les médiathèques, pour les enfants en école primaire. Brièvement, il nous demande de créer un programme scolaire pour que tous les mercredis des enfants de CE1/ CE2 puissent aller dans les médiathèques avec des animateurs et jouer, faire des tournois d’esport mais en même temps en ayant les bonnes pratiques à apprendre, c’est-à-dire que les enfants, on va leur dire « tiens tu joues une heure, par contre après tu fais une pause de 10 minutes » Pour pas qu’ils tombent dans les dangers des jeux vidéo.

Hormis cela, il y a beaucoup de collectivités qui organisent de grands événements et qui sont prêtes à donner des subventions aux organisateurs pour faire tout ça.

Par ailleurs, sur l’aspect technologique, on voit que le métaverse, la réalité virtuelle, la cryptomonnaie, se développent énormément. Peut-être que dans 5 à 10 ans, on pourra suivre une compétition d’esport avec un casque sur la tête en étant dans la partie *rire.

Ce domaine évolue très vite, il y a 5 ans on aurait jamais pu dire qu’on serait là aujourd’hui, donc c’est dur à prévoir.

Cette année l’esport fait son entrée à l’ESG Sport… Auriez-vous des conseils pour nos étudiants qui souhaitent se lancer dans ce domaine ?

Le plus important c’est de travailler sa culture générale de l’esport, suivre les compétitions actuelles, lire tout ce qui se passe via les sites d’actualités. C’est super important car si on veut travailler dedans il faut savoir de qui et de quoi on parle. Dans la même idée, il faut se renseigner sur ce qui s’est passé les années précédentes. De plus, il faut s’investir dans l’esport. Pour ma part j’ai commencé en tant que bénévole pendant plus de 6 ans avant de pouvoir toucher un salaire. Aujourd’hui je pense que ça peut aller plus vite. Comme c’est un monde nouveau, il n’y a pas de circuit comme pour les autres domaines (comptables, droit, etc.)